23 novembre 2021

“Du nouveau en drug checking”, Sang d’encre, 11/2021

Interview de Liselotte, Alma et Victor, du pôle analyse du Bus 31/32 par Marie Dos Santos pour la magazine Sang d’encre de Nouvelle Aube, novembre 2011.

Pouvez-vous nous dire qui êtes vous et comment vous vous êtes mis à faire de l’analyse de drogues ?

L’association Bus 31/32 est un CSAPA/CAARUD situé à Marseille qui gère un dispositif d’analyse de drogues par CCM (Chromatographie sur Couche Mince). Anciennement rattaché au réseau XBT de Médecins du Monde, le dispositif a été transféré au Bus en 2015 (avant ça il était surtout géré par des bénévoles qui amenaient le dispositif de CCM en free party). Aujourd’hui le laboratoire d’analyse du Bus 31/32 développe l’expérimentation d’un dispositif d’analyse de produits à la fois qualitatif et quantitatif permettant aux usagers de tous les publics (festifs, CSAPA, CAARUD etc…) de répondre à leurs besoins de connaissances sur leurs conso, sur les produits en circulation, de favoriser le renforcement de leurs capacités d’agir et de faire des choix sur les produits qu’ils consomment.

Aujourd’hui, on entend parler de l’HPLC, pouvez-vous nous expliquer ce que c’est ?

L’HPLC ou Chromatographie Liquide Haute Performance est, comme la CCM, une méthode de séparation des constituants d’un mélange. A la différence de la CCM, l’HPLC permet non seulement d’identifier les substances mais également de les doser de manière précise.

En quoi cette technique représente des avantages pour réduire les risques liés aux usages de drogues ? Et quels seront les avantages de cette technique ?

Cette technique permettra d’être plus précis dans l’identification des substances présentes dans les drogues, pour les drogues elles-mêmes comme pour leurs produits de coupe psychoactifs (ex: lévamisole). L’HPLC nous permettra également de mesurer les concentrations de chaque produit, et donc de déceler des produits fortement dosés (par exemple de forte dose de MDMA dans des ecstasy), ou d’identifier des NPS (Nouveaux Produits de Synthèse) ou des produits considérés comme dangereux, et d’en informer les usager.e.s. [Le programme SINTES de l’OFDT observe depuis plusieurs années une augmentation de la teneur en MDMA des ecstasies et des teneurs en cocaïne circulantes].

Comment vous êtes-vous formés à cette technique ?

Un collègue chimiste suisse qui développe depuis les années 1990 un outil similaire d’analyse de drogue par HPLC en contexte RDR est aussi venu nous former spécialement au drug checking cet été. Et puis en tant que pharmacienne et chercheuse en écologie nous nous appuyons sur nos connaissances en chimie et en pharmacologie.

Quelles sont les difficultés rencontrées à la mise en place de cette nouvelle technique ?

L’HPLC est une méthode d’analyse beaucoup plus complexe à manier que la CCM et aussi plus précise… Cela signifie qu’elle demande un niveau de précision élevé de notre part, pas mal de matériel de laboratoire et un temps de calibration important (chacune des substances que l’on veut être capable d’analyser et de doser, drogues et produits de coupe compris, doit faire l’objet d’une phase de calibration). La verrerie et tout le matériel qu’on utilise doivent également être soigneusement nettoyés pour ne pas fausser les résultats à cause de traces qui pourraient provenir d’échantillons précédents !
Une fois que la phase de calibration sera terminée, on sera capable d’analyser les produits à partir d’échantillons de seulement quelques milligrammes de poudre, autour de 10 mg.
Bien sûr, cela dépend du type de produit et du degré de précision souhaité : par exemple, on a toujours une meilleure idée de la concentration d’un cachet d’ecstasy si on écrase tout le comprimé, et qu’on prélève 10 mg là-dessus, car les concentrations peuvent être inégales à différents endroits d’un même cachet !
Mais pour doser, de manière générale, il nous suffira de collecter des échantillons entre 8 et 12 mg.

Comment on pourra faire tester nos produits quand la technique sera disponible ?

La technique devrait être fonctionnelle d’ici début 2021. Vous pourrez croiser le Bus 31/32 pour des collectes en vue d’analyses ou des sessions d’analyse en direct lors de permanences fixes (CSAPA, Chill’in), en maraudes centre-ville (PBLN), quartiers Nord (CAARUD) et en milieux festifs urbains et alternatifs (PBLN & festif tekno), ou vous rapprocher d’un de nos partenaires CSAPA et CAARUD (sur Marseille et dans la région). Le résultat de l’analyse sera transmis dans un délai d’une semaine environ (voire moins). Toutes les infos seront centralisées très prochainement sur un site web dédié.